Récit : mes premiers Championnats du monde Ironman à Hawaii

Considéré comme l’Ironman le plus exigeant au monde, l’Ironman world Championship réunit chaque année à Kona les meilleurs triathlètes venus réaliser leur rêve.

C’est le cas d’Edouard Tiret, triathlete amateur de la Team Argon 18 et il nous raconte son expérience et des conseils pour participer aux championnats du monde Ironman.

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Les championnats du monde Ironman à Kona

Qualification à l’Ironman de Nice

Le 24 Juin 2018, après 8 mois de préparation qui se sont étonnement très bien déroulés, je prends part à l’IRONMAN de NICE. L’objectif était d’essayer de me qualifier pour les championnats du monde IRONMAN à Hawaii… un projet ambitieux, onéreux, … mais un projet, qui, je le sais, me tend les mains. Un rêve qui pourrait se concrétiser. J’ai été coaché par Sebastien Boujenah jusqu’à Nice.

Dans une grande forme, ce jour, je réalise ma meilleure performance sur ce format. Je termine l’IRONMAN de Nice en 9h19, à la 18ème place au scratch (pro inclus.), 4ème amateur, et 2ème de ma catégorie (M25). Je me qualifie au championnats du monde. QUOI ? Je n’en reviens toujours pas mais, ce jour, toutes les étoiles se sont alignées, je réalise même un marathon en 3h07, au-delà de mes espérances. (5h05 pour le vélo et 57’ en natation).

Je repars de Nice, des étoiles pleins les yeux, mais à cet instant, je me rends compte que je vais devoir refaire un IRONMAN, dans moins de 3 mois… et là c’est un coup dur.

Un coup dur ? Oui, la préparation d’un IRONMAN nécessite un investissement important (je ne parle pas de sacrifices, car à mon sens, ce sont des choix que nous faisons, et cela est fait par plaisir.). Cet investissement, c’est surtout mental, il faut s’entraîner quotidiennement, sans relâche, il faut croiser les doigts pour que le corps suive physiquement… et la saison peut vite s’avérer longue.

Les semaines défilent, avec plus d’encombres que ma préparation niçoise, je le savais, je n’ai jamais réussi à avoir de second pic de forme dans une même année. C’est éprouvant tant physiquement que mentalement.

L’ironman 70.3 de Nice

1 mois avant, je participe au 70.3 de Nice, dans la cadre de ma préparation. Je vis une course plutôt difficile, termine à 55ème place au scratch, 10ème M25.

La forme n’est pas au rendez-vous, cela fait un coup au moral.

Cependant, nous y sommes…

Jour J de l’Ironman WC : la consécration d’une année riche en émotions.

Je n’ai jamais fait de CR de course, je n’ai jamais ressentie le besoin d’extérioriser mes sensations, mais ce jour est arrivé.

4h, le réveil sonne. Ce moment là, c’est la 4ème fois que je le vis, à chaque fois c’est là même phrase qui résonne dans ma tête

Mais sérieux, pourquoi je m’inflige ça encore une fois ? C’est pas plus simple de faire la grasse mat’ ?

Bon aller je vais quand même me motiver, en plus ce coup-ci c’est quand même les championnats du monde. Te mets pas la pression Edouard, t’es venu là pour apprendre, découvrir et te faire plaisir !

Petit dej’ avec le Team… 5h00 c’est parti pour 15’ de route, et à ce moment là j’ai juste envie que le trajet dure une éternité parce que chaque seconde qui passe me rapproche du fameux coup de canon. (On a dit pas de pression bordel!)
On est garé, maintenant faut y aller et rentrer dans sa bulle. J’abandonne mes proches pour la journée et file vers le parc à vélo : j’installe mon pique nique, gonfle mes pneus, vérifie mon di2 (ouf, il est chargé ). Autour de moi, ce n’est pas la grosse ambiance, les triathlètes sont tous hyper affutés, concentrés… pas un mot sort des bouches.

Assurément, les meilleures triathlètes de la planète sont de la partie et ils ne sont pas là pour faire copain-copain avant le départ.

Natation sans combinaison dans l’océan pacifique

Je sors du parc, retrouve Fabien et JC, également du Team, c’est notre premier Kona à tous les trois. On patiente ensemble, mettons notre swimsuit 30’ avant le départ… et c’est parti pour un petit échauffement dans l’océan pacifique. On se place ensuite dans les première lignes entre les deux bouées…. 15’ d’attente sur place, c’est long, désormais je n’ai qu’une envie : y aller !

Ça sent le mass-start bien violent, on est 1800 athlètes écrasés les uns aux autres.

90’’ to start… bon.. 15’’… 3 – 2 – 1 *coup de canon* ça part pour 3800m… à allure 50m ! Stratégie gagnante pour éviter les coups ? AH, en faite tout le monde part à bloc. C’est l’anarchie, il y a une telle densité d’athlètes que la machine à laver se met en route, la devise c’est : nage ou crève !

Je respire tout les deux temps, sinon c’est la noyade assurée

Et ce sera comme ça pendant 20’ ensuite ça se calme… on me nage un peu moins dessus, mais j’ai toujours quelques irréductibles qui me touchent les pieds (faudra faire avec apparemment!). Arrivé à mi-chemin, je me sens plutôt bien, au retour je m’écarte un peu sur la gauche pour nager à mon rythme mais du coup je perds un peu de tempo… arrivé à 100m de la sortie, forcément y a un regroupement, effet entonnoir, ça ralenti, c’est pire que le périph’ parisien un lundi matin… Au final, je sors de l’eau en 1h01, sans combinaison, je suis dans les temps prévus.

J’arrive à T1, dans la tente c’est blindé, comme un premier jour de solde ça court partout, je me déconcentre pas, je me prépare et je pars chercher mon Argon e119 qui m’attend au chaud sur le Pier.

180km sur l’autoroute

C’est parti pour 180km de vélo, y a déjà du monde, j’ai pas l’habitude d’être dans la masse. 1er km, petit couak, ma chaîne est sortie des gonds de mon galet oversize… je m’arrête 30-40’’ ça m’énerve mais ce sont des secondes… ça repart, je croise des têtes connues et notamment Julien (Boulain) qui me reprend, son 3ème Kona, il connait la musique et m’annonce que ça va être la foire, une vraie cyclo sportive où le petit jeu c’est de faire du fractionné pour doubler les packs et éviter qu’ils se collent à nos roues.

J’ai pas l’habitude que les courses se déroulent ainsi mais soit, à Kona c’est le point noir alors j’essaye de suivre ses conseils.

Nous roulons sur la highway, une interminable ligne droite valonnée de 90km appelé la Queen K, cependant le paysage est à couper le souffle, nous passons entre les champs de lave.

Après 70km, je commence à sentir un coup de moins bien…

Pourtant je m’hydrate, respecte mon protocole énergétique habituel.… je ne cherche pas d’excuse mais ça fait 15 jours que j’ai la crève et que je me sens totalement épuisé. Je pensais qu’une dernière semaine très allégée ferait l’affaire… cependant on ne sous-estime pas les particularités de cette course.

Au demi tour d’Hawi (km 90), après un petit passage à vide, je me ressaisie, je recherche des sensations disparues, cela revient un peu… mais ce sera de courte durée. Mes données de puissances sont basses, au dessous de mes cibles habituelles mais je m’accroche pour finir ce vélo, je profite un peu plus du paysage, c’est quand même beau Hawaii, je ne suis pas venu que pour faire 180km la tête dans le guidon tout de même. (Bon, quand tu commences à regarder le paysage sur un triathlon, c’est que tu es déjà sorti de ta course.)

Je recroise nos supporters qui sont au taquet pour m’encourager au km120, ça me fait du bien, je n’espérais pas les voirs avant la T2 ! Les kilomètres défilent finalement…

Ca y est, je suis à la transition après 4H46 de vélo (38km/h de moyenne) il ne me reste plus que la course à pied. Que la course à pied ai-je dit ?

Ici, s’il y a bien une partie qui est impitoyable, c’est le marathon.

Marathon, un détour dans l’Energy Labs

Le marathon débute par un aller retour de 10km sur Ali’i Drive, il y a beaucoup de supporters, c’est agréable, cela pourrait presque donner des ailes tellement l’adrénaline monte. Cependant, les miennes sont cramées, malgré un départ prudent, en dessous de ma dernière référence niçoise (3h07 au marathon), je suis contraint après 2km de ralentir.

À ce moment là, il me reste 40km de course à pied, il fait pas loin de 40 degrès avec un taux d’humidité important et je suis en perdition, dans ma tête l’abandon semble décidé.

Mais Edouard tu n’as jamais abandonné ? Tu vas solder ta saison par un échec ?

Pour être honnête, si cela n’avait pas été les championnats du monde à Hawaii, mon IRONMAN se serait arrêté au km 2 du marathon.

J’ai l’impression de courir dans le corps d’un autre, un corps dont je n’arrive à rien contrôler, ni ressentir.

Les kilomètres s’enchainent, difficilement, mais je mets un pied devant l’autre en espérant rallier l’arrivée, il y a des ravitos tous les km, une bénédiction chaque km, je prends tout ce que je peux : eau, coca, glaçons, éponges… tout ce qui pourrait me faire retrouver des sensations, me faire gagner quelques secondes d’allure par kilomètre: mais rien n’y fait, ces ravitaillements me permettent juste de continuer mon long chemin de croix vers la finishline. Je me sens incapable de donner plus, pourtant je n’ai pas de douleur musculaire, c’est impressionnant je suis dans le flou total, je ne gère aucun paramètre.
J’arrive au km 12 dans la terrible bosse de Panali Road, celle-ci fait un peu plus d’1km.

Je croise mes supporters, ils me motivent,

Tu cours c’est bien, certains marchent, mais toi tu cours accroches-toi !

Ils sont gentils… j’ai l’impression d’être en moonwalk et eux m’annoncent que j’ai une foulée qui ressemble à de la course à pied… Bref, ça me fait rire, tant mieux c’est bon pour le moral !

Bon, Palani Road, c’est grimpé ! Maintenant, on arrive sur la Queen K, ça vous rappelle des souvenirs ? C’est le même tracé emprunté par le vélo. (pour rappel: des lignes droites valonnées interminables). J’avance jusqu’au km20, avec le tournant vers l’enfer : qui s’appelle également “Energy Labs”. Comme la course n’est pas assez dure, ils ont rajouté un peu de piment avec 7km (aller/retour) dans une zone industrielle interdite au public, où l’astmosphère est épouvantable, il n’y a pas d’air, l’asphalte nous retourne une sacré chaleur, bref, cuisson à point garantie, si ce n’est : peut-être trop cuit !

Certains se mettent à marcher, mais moi, je ne marche pas, je continue de courir, certes à mon petit rythme mais j’ai peur de ne jamais repartir.

Finalement, je sors de cet enfer, et me dirige tout doucement vers le paradis (non je ne parle pas du ravitaillement final, car généralement celui-ci je suis incapable d’y toucher !)
Nous sommes au km 30 et je recroise à nouveau mes supporters (ils sont partout ! Ils assurent grave !), à ce moment précis il ne me reste que 12km à parcourir, c’est presque fini. Après tout, c’est quoi 12km ? Un footing quotidien ?

Pour la première fois de la partie pedestre de cet ironman, je regarde mon chrono, je fais mes calculs dans ma tête, et me donne un dernier objectif : rallier la ligne d’arrivée sous les 10 heures, loin de l’objectif initial, mais celui-ci me permet de me rebooster moralement !
J’arrive à réaccélérer sous l’euphorie de ce nouvel objectif… à une vitesse incroyable de 5’20” au km… * humour * et bien, c’est étrange, mais je me remets à courir correctement, redouble quelques personnes qui eux, ont du me doubler comme des fusées et serrer le moteur par la suite. Moi le moteur il est bridé depuis un moment, alors il tourne encore sans monter dans les tours.

Dernière descente (Palani Road) il reste 2 km, je regarde ma montre, j’ai 12’ pour faire sub10, ça passe. Je profite de ces deux derniers km… (si vous aviez tout lu, c’est la première fois que j’énonce le verbe “profiter”).
Mon dernier kilomètre aura été le plus rapide de ce marathon, celui où toute la souffrance mentale de cette course est évacué… Je me sens liberé, invincible (bon ça va, ça fait 9H54 que je suis dans le dur, j’ai le droit d’être fort 20 secondes quand même ?)

500m… 200m, il y a foule, les gens sont dingues ; l’émotion monte, je recroise Lorena, elle aussi son combat de me suivre est terminé…

Je passe l’arche, ça y est c’est terminé. Le chrono est figé. Je me suis battu contre moi-même pendant près de 9h54. Je file chercher ma médaille et mon tee-shirt, à ce moment là, je suis tellement épuisé que l’anglais devient du charabia. Je suis même incapable d’avaler ou boire quoi que ce soit, malgrè une déshydratation importante.

Bilan à chaud ?

Terriblement déçu par cette défaillance. Inexplicable ? Pas tant, Hawaii est une course où bons nombres de paramètres comptent pour faire LA course (parfaite?). Je suis passé d’une journée niçoise où tout s’est déroulé comme prévu à 15 jours de galères, où j’ai attrapé la crêve en France, l’ai emmenée jusqu’à Kona, ça m’a affaibli, j’ai essayé de récupérer au maximum durant ma semaine d’acclimatation, mais ces championnats du monde nécessitent d’être dans une forme incroyable pour réaliser des choses incroyables.

Bilan à froid ?

J’ai vécu une expérience extraordinaire, je dirais même une année extraordinaire. J’ai débuté le triathlon en 2015, je ne savais ni nager, ni rouler, j’ai appris beaucoup avec le triathlon. J’ai débuté comme un simple néophyte, j’ai essayé d’apprendre des autres pour être plus fort chaque jour, à chaque course… Jusqu’à ce jour où j’ai pu me qualifier pour le Graal du triathlon. Je suis passé par toutes les émotions possibles et inimaginable sur cette 40ème édition, ici, à Hawaii. Même si c’est difficile à retranscrire ici, par écrit.

Remerciements

Merci infiniment à tous ceux qui ont cru en moi. Je remercie aussi ceux qui ont été médisants sur mes prétentions de performance, vous m’avez rendu plus fort au quotidien pour atteindre mes objectifs.

Merci au Team Argon 18 France et l’ensemble de nos partenaires pour cette première année parmis vous très enrichissante, tant sportivement qu’humainement.
Merci à mon entreprise, Omnilog, qui m’a offert un soutien financier et morale sans faille, sans eux, je n’aurai pas pu me prendre à Hawaii. Ils ont été la clé de voûte de ce voyage.

Merci à Paris Bike Company qui m’entretient ce superbe argon 18 e119 !

Merci à GUTAÏ et Karoly Spy pour le plan gutaï 2.0 et les précieux conseils.

Merci à Lorena Rondi, ma copine, qui a été là à Nice le jour de son anniversaire (la honte, son mec fait un IM pour son anniversaire !), mais aussi qui m’a accompagné à Hawaii pour réaliser mon rêve. Elle m’a toujours soutenu et a toujours cru en moi (enfin, peut-être qu’elle a pensé un instant que je n’allais pas finir cet IM là.). Elle n’a pas démérité de me supporter durant ces moments de stress d’avant course. Vous n’imaginez même pas comment je suis, insupportable.

Merci à mes amis, ma famille, j’essaye de vous prouver au quotidien, que j’ai ma place parmi vous.

On se retrouve bientôt, pour de nouvelles aventures. L’année 2019, sera différente, avec des objectifs axés plutôt sur de la distance 70.3.

Mais rassurez-vous, je l’aurai un jour ma revanche hawaïenne.

Bref, ça s’est fini au Burger King.

Mahalo !


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Publié par :Lorena Rdi

Un commentaire sur “Récit : mes premiers Championnats du monde Ironman à Hawaii

  1. Aloha
    salut ! tres sympa de lire ton aventure ici; et bravo surtout…. de la part d’un français hawaiien (pas ironman du tout, juste amateur de tours de mtb)
    je viens de suivre l’edition 2022 – c’est dingue ces performances 🙂
    Cheers
    Luke

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