Le départ est à Chanaz, je me revois un an après découvrir cette ville et tomber littéralement sous le charme. Je suis avec Eliott qui prend le départ dans la même vague que moi, COVID oblige les organisateurs ont étalé les départs.
Je suis très surprise de me retrouver dans la 2ème vague (il y a 5 vagues en tout et nous sommes classés en fonction de notre côté ITRA).
J’avoue que j’ai un peu peur de me retrouver qu’avec des gens costauds et de partir trop vite ou de justement me retrouver vite seule.
On verra bien. On s’échauffe avec nos masques, 10min de footing, quelques gammes, je me sens prête, les conditions météo sont parfaites. Le départ est donné, on attaque direct par une bosse, ça réchauffe ! L’année dernière je l’avais finie en marchant, cette année je me sens bien. Les premiers km défilent sans encombre, je suis Fanny qui a un bon rythme, ça fait du bien d’être avec quelqu’un qui déroule aussi en descente ! En vrai je m’éclate, j’ai l’impression d’être en train de jouer, le temps passe si vite. Les montées sont un peu soutenues, mais les descentes me permettent de récupérer, donc je ne ressens pas l’effort et puis ces variations d’allures sont tellement plus faciles à appréhender. Je prends soin de bien m’alimenter dès le début, je profite de ne pas avoir encore sorti les bâtons pour le faire plus facilement.
On attaque des parties un peu plus pentues, je sors les bâtons et je me résous à devoir marcher pour m’économiser. J’entre dans la phase où il va falloir savoir relancer dès que possible pour garder du rythme. Je suis contente de moi je mesure le chemin parcouru, je me sens bien plus à l’aise que l’année dernière, je me retrouve même frustrée à être bloquée derrière une personne sur un single. j’aurais jamais imaginé ça, j’ai les jambes qui répondent bien et j’ai bien envie d’en profiter !
On arrive au premier ravito, je vois que personne s’arrête, moi j’ai pas le choix je n’aurais pas assez d’eau pour attendre le deuxième ravito. Je ressors du ravito trempée, un gentil bénévole a voulu m’aider, mais je crois bien qu’au final j’ai eu plus d’eau sur moi que dans ma flasque aha ! Je repars un peu déçue d’avoir perdu du temps et perdu le groupe avec lequel je cavalais mais c’est pas grave, la course est longue et l’objectif est d’aller jusqu’au bout. Le parcours passe dans la forêt, des sentiers qui tournent dans tous les sens, avec des racines et des cailloux à éviter, un terrain comme je les aime ! Je sautille partout mais je me retrouve bien vite seule au monde. Je vis les premiers kms seule
« Trop cool je suis une fugitive en vadrouille » à « heu y a quelqu’un ? je suis bien sur le bon chemin ? ».
Je pense plusieurs fois m’être paumée mais non le parcours est bien banalisé, j’avoue je râle un peu parfois car j’aime pas devoir me concentrer sur le chemin à prendre, j’aime bien suivre quelqu’un et débrancher le cerveau mais là pas trop le choix. L’avantage c’est que de regarder où je dois aller m’occupe et le temps passe encore plus vite. L’inconvénient c’est que j’ai davantage l’impression de faire ma sortie rando-trail du dimanche qu’une course, j’ai parfois du mal à garder le rythme dans les bosses sans avoir devant quelqu’un qui me motive à avancer. Mais c’est aussi un aspect du trail, et je sais que je fais cette course pour moi mais aussi contre moi. j’ai bien envie d’améliorer mon chrono de l’année dernière alors je me remotive ! Et puis Edouard m’attend au prochain ravito, alors go ! Je retrouve un rythme, après tout j’ai pas de douleur alors pourquoi me plaindre ?
Et là c’est le drame, au 17ème km impossible d’expliquer pourquoi je me retrouve à faire un vol plané.
Pendant la chute, mon mollet et ma cuisse gauche se contractent, des crampes d’une douleur que je n’ai jamais ressenti. J’essaye de trouver le moyen d’atténuer la douleur, mais rien n’y fait, je gesticule comme un verre de terre dans les feuilles, la crampe à la cuisse s’estompe mais le mollet reste contracté, j’ai tellement mal. Je suis au sol je vois la course défiler (heureusement un participant qui m’a entendu hurler a fait demi-tour pour voir si j’allais bien).
J’appelle Edouard, je tombe sur sa messagerie, je suis en larmes, je pense à tout ce qu’il me reste et je me dis c’est foutu, je pourrai jamais redémarrer.
Je suis énervée contre moi, je m’en veux tellement. Je lui laisse un message mais à quoi bon ? Je suis au milieu de la forêt qui va venir me chercher ici ? Je me lève et me force à marcher, j’essaye d’étirer mon mollet sans trop forcer.
Les faux plats montant sont une torture je ne peux plus courir
Heureusement quand ça descend ou quand les bosses sont très raides je ressens moins la douleur et je peux même poser le talon au sol pour étirer le mollet. J’ai de la chance il reste pratiquement que de la descente pour le prochain ravito ou Edouard m’attend. J’aimerais me téléporter là bas. Allez 2km…
Je trottine la douleur s’estompe un peu mais je ne peux plus courir comme avant, j’ai la rage, je suis tellement énervée contre moi-même. J’arrive au ravito, j’explique la situation à Edouard, il me connait, il sait qu’il faut pas que je prenne des décisions à chaud, il me relance me remet dans la course. Je remplis mes flasques et je repars en marchant. J’essaye de courir sur les portions plus roulantes mais j’y arrive pas. Heureusement il est là, me dit que c’est pas grave. De toute manière l’ascension ne se prête pas vraiment à la course, et la marche en montée me fait moins mal. Je m’accroche, je rattrape les personnes qui m’ont doublée dans la forêt, j’ai de nouveau une niak sortie de nulle part. Je m’applique, je fais attention où je mets les pieds, je me remets à bien manger, à bien boire, je me remets dans la course. J’ai encore de l’énergie, au bout d’une heure d’ascension je ne sens pratiquement plus mon mollet, j’en reviens pas ! Les douleurs sont par contre quand même présentes dans le dos, aux pieds et aux bras. J’essaye de m’aider le plus possible des bâtons, mais c’est vrai ça devient dur.
Les derniers kms sont longs mais c’est ce que je suis venue chercher : sortir de ma zone de confort.
On contourne la dent du chat, la partie la plus technique, on attaque la dernière bosse, ça y est on y est ! Je savoure ce moment que je ne pensais finalement pas vivre !
Je connais le parcours pour aller au relais du chat, je me surprends à pouvoir de nouveau courir, je remballe les bâtons, c’est parti pour quelques kms de plats et ensuite la partie que je préfère ! Dernier ravito, je prends quand même le temps de remplir mes flasques même si encore une fois j’ai l’impression d’être la seule à m’arrêter aha ! J’entame la descente comme une débile, je suis tellement contente, je veux le finir !
On croise Mickael qui est sur le 75km ça fait plaisir de le voir, il descend avec nous en papotant avec Edouard. Je me sens vraiment bien pourtant avec les participants qui sont passés avan, les premiers kms sont vraiment glissants, je continue de m’alimenter, la descente va être longue et je me rends bien compte que je suis beaucoup moins lucide. Je garde un rythme mais pas assez rapide pour Mickael qui nous double, j’essaye de suivre mais j’ai des douleurs partout. Il nous reste 7km, ma foulée n’est plus très souple et ça me secoue l’estomac dans tous les sens. Je m’éclate tout de suite beaucoup moins.
J’essaye de rester concentrée et de garder le rythme mais ça devient de plus en plus compliqué.
Un mauvais pas, ma cheville vrille. Edouard me dit
« ça va passer, tu vas avoir mal mais ça va passer ».
Je serre les dents et je continue de courir malgré la douleur, je sens bien que ma cheville n’est plus aussi résistante, j’ai peur de la chute, c’est ce qui va se passer, j’enchaine 2 chutes à 50m d’écart, ma cheville ne tient plus et l’appréhension, les douleurs et la fatigue n’arrangent rien. Il me reste 5km, les derniers km dans les cailloux me paraissent interminables, je suis par moment obligée de marcher. Je me fais doubler par une femme, mais sur le coup je m’en fous j’ai autre chose en tête, je regarde mon chrono et je pense au « sub 5h » tant rêver.
Allez Lorena accroche toi et tu l’auras !
Edouard me voit relancer il comprend ce que j’ai en tête, on arrive enfin sur le bitume, délivrance je n’ai plus de raison de chuter ! Il se met devant moi et m’encourage à pleine voix en me disant que je vais l’avoir ce sub 5h. Je veux qu’il soit fier de moi alors je donne tout, je me sens pousser des ailes, les copains sont là à m’encourager, j’en oublierai presque que je viens de courir 33km, je franchis la ligne d’arrivée en 4h57 !
Je mets 29min à mon chrono de l’année dernière (revoir mon compte-rendu 2019) , 29min… J’aurais jamais imaginé progressé autant avec seulement 5 semaines de prepa !
Je suis tellement contente, je découvre mon classement 14ème femmes/102 et 190ème sur 450 inscrits.
C’est complètement fou. Ca valait le coup de continuer même si aujourd’hui j’ai une cheville en moins et un mollet qui n’arrive toujours pas à se détendre complètement !